Première partie de festival, nous arrivons doucement au 15, avec chacun un peu de magie au fond des yeux. Le théâtre Golovine d’Avignon s’ouvre sur la danse, la joie, et la vie, dans un contexte difficile, la perte de nos droits sociaux, perçus par le plus grand nombre comme des “privilèges”.
Il n’y a jamais de privilège à la précarité, au chômage, à la dépendance à un système. L’artiste doit trouver un espace de liberté pour exprimer sa créativité, son art, faire entendre ses mots dans un contexte résonnant, qui ne lui correspond pas, qui n’est pas libre. L’artiste aujourd’hui est enchaîné à la réalité matérielle, à la rentabilité, à l’économie : d’argent, de temps, de moyens. Il doit se battre pour son “métier”, “l’intermittence”, qui est un “régime d’assurance chômage”. Il doit se battre pour que ses spécificités, sa différence, ce qui fait cette exception culturelle française, soit comprise de tous non pas comme une différence, mais comme une égalité de traitement, une prise en compte d’un “métier” difficile, précaire, mais nécessaire.
L’art doit continuer de tracer son chemin dans ce contexte d’asphyxie par le chiffre. L’art existe sous chaque pierre, chaque feuille. Il nous suffit d’ouvrir le bon œil et d’avoir l’esprit prêt à recevoir. Pour faire exister l’art, nous n’avons besoin de rien, juste d’un peu de soleil. C’est pour ouvrir nos yeux que nous avons besoin de chiffres, de travailleurs précaires. Pour que les spectateurs de l’art soient prêts à le recevoir, pour que l’art puisse être touché du bout du doigt.
C’est cela la spécificité de l’art, c’est qu’il faut l’aimer pour qu’il se révèle. Il faut donner de soi, s’ouvrir à lui.
Ne laissons pas les chiffres nous rendre dépendants, aveugles et toujours plus envieux. Écoutons ce que l’autre veut dire, laissons lui une place, ouvrons notre esprit à d’autres pensées, laissons l’art et la vie nous fréquenter.