Minuit, entre les échelles et les klaxons des voitures, dans la moiteur d’une chambre New Yorkaise pendant l’été indien, on attend.
Trois mois sont déjà passés depuis la première soirée ici, dans le lit de princesse. On a compté les jours, décompté les cartes postales, additionné les semaines et divisé le temps qu’il nous restait en fonction des États, de la distance parcourue, de la température, des rencontres, des ambiances, des humeurs et des parfums.
Et ces trois mois auront compté pour moi comme une nouvelle histoire. Se recréer un univers autour de soi, assurer sa sécurité, son confort, s’alléger au minimum, et réduire, toujours plus, la distance qui nous sépare de nous-même. Apprendre à se laisser guider par l’instinct, par le chauffeur de bus, par l’autre, par la chance. Apprendre à apprécier la présence des autres, à déserter la paranoïa, la peur d’être mal aimé, à se fondre dans le groupe, à se taire aussi quelquefois. Apprendre à laisser les émotions nous pénétrer, à accepter de respirer, à sentir l’odeur des fleurs.
Et là, on regarde en arrière pour la première fois, parce que devant nous il n’y a plus qu’un avion. Et on se souvient. De paysages, de paroles échangées, de promesses, de rires, de nuits trop longues ou de nuits trop courtes, d’instants éternels et d’heures interminables, de temps passants et de temps pressés, d’histoires échangées, de rencontres et de bonté. Et on se rend compte que l’on aime cette bonté qu’il y a dans le cœur de chaque personne rencontrée ici, et on pense à chez soi, à cette bonté qu’on n’avait jamais vue chez nous, dans notre pays, dans notre ville, dans nos proches, simplement parce qu’on ne savait pas où la chercher, qu’on ne savait pas l’accepter, qu’on avait peur de l’autre.
Quand j’ai montré les échelles de ces grands immeubles qui m’entourent à Youri, il a été si heureux de voir cette fenêtre ouverte sur un mur, et je me suis souvenue que moi aussi, la première fois que j’ai vu ces échelles, elles symbolisaient tellement pour moi, elles étaient si exotiques. Comme si dans chaque vis-à-vis il y avait quelque chose de magnifique, mais qu’on n’a pas toujours les bons yeux pour le voir.
Voyager, c’est regarder le monde avec les yeux des autres.
Mon meilleur souvenir de cet été, c’est notre dernier jour à Monterey, sur la côte ouest, dans la décapotable de notre couchsurfer qui nous montrait des coins magnifiques en bord de mer. A un moment très précis, un rayon de soleil chaud est venu se poser sur moi. C’est là que je me suis rappelée que l’endroit que j’aimerai toujours le plus sur la Terre, c’est le ciel, et qu’il sera toujours avec moi, partout.